Au cœur du Kaloum !
Les manifestants du Kaloum étaient au rendez-vous ce 13 avril. Une cinquantaine qui se sont massés au carrefour « Abou Guinness » au quartier Tombo. Sans violence. L’itinéraire qui devait les mener à la mairie de Kaloum a été bloqué par les forces de l’ordre. Pas de matraque ni de gaz lacrymogène. Une ambiance de fête ponctuée de coups de gueule. Les manifestants chantaient et dansaient avec des pancartes sur lesquels on pouvait lire : « Respectons la constitution, les communales avant la présidentielle, non aux assassinats ciblés. » Il y avait plus de femmes que d’hommes. Face aux quolibets des grognards, un gendarme déclare : « J’aurais préféré être posté en haute banlieue où la violence est vive et où on peut se défendre. Mais, ici on entend des grossièretés sans avoir la possibilité de répliquer ».
Une heure après, Gassama Diaby le ministre des droits de l’Homme, débarque pour jouer les sapeurs pompiers. Dame Ramatoulaye Dalein Camara, au nom des manifestants, a dit au ministre : « Si Alpha Condé est au pouvoir, c’est parce que nous étions au stade du 28 septembre en 2009. Nous voulons que le gouvernement respecte ses engagements. Nous voudrions qu’il y ait des élections communales, avant la présidentielle. Les militantes du RPG nous provoquent, elles sont présentement à la mairie, en train de danser. Nous sommes là en toute légitimité, nous exerçons notre droit. »
Gassim Soumah, superviseur du mouvement d’enfoncer le clou, en précisant qu’ils sont dans la rue pour être entendus. Contrairement aux autres communes, Kaloum manifeste dans le calme. Ils ne s’attaqueraient à personne et ne brûleraient pas de pneus. « Les forces de l’ordre doivent nous laisser aller jusque devant la commune, pour dire à ceux qui y sont que leur mandat a expiré. Ils doivent savoir qu’ils ne sont plus légitimes. Donc, nous demandons des élections communales libres et transparentes…»
Qualifié de ministre « mamaya » par les manifestants, Gassama Diaby, des droits de l’Homme leur a dit : « Je négocie pour que les citoyens expriment leur droit dans le respect de la loi et dans la non violence. J’ai entendu votre message, mais permettez-moi de ne pas vous faire de promesse. Parce que si je n’arrive pas à tenir la promesse, je deviens menteur devant vous. Je voudrais vous dire de manifester sans de la violence. Je suis extrêmement triste pour ce pays. Je souhaite que vous trouviez un comité pour faire la rédaction de vos revendications et je serais votre porte parole et transmettrais votre message à qui de droit. Ce qui est important, c’est de sauver ce pays. Je suis sûr que vous êtes aussi attachés à ce pays que moi. Quoiqu’il arrive, on finira par le dialogue. Aucune violence aussi bien de la part de l’opposition que du pouvoir n’a réglé un problème. Je vous en supplie veillez à ce qu’il n’y ait pas de violence et je dirais la même chose aux services de sécurité. Je repasserai prendre le document que vous auriez écrit et signé. Ensemble, nous allons trouver ce qui est de droit et conforme pour notre pays.», a martelé le ministre.
Mahawa Soumah, exprime son désarroi : « Nous avons trop souffert dans ce pays. Ce qui se passe actuellement dans notre pays nous inquiète beaucoup. J’ai plus de 50 ans, mais je suis dans la rue pour dire au Président Alpha Condé et à son gouvernement de respecter le processus de démocratisation en cours. Ces soit disant élus ont mangé l’argent d’aide aux projets des femmes et des jeunes. C’est leurs femmes et leurs maris qui en ont bénéficié. Nous savons, car ils sont nos voisins. Nous sommes de simples balayeuses qu’on amadoue avec 30.000 francs guinéens. »
La mairie de Kaloum est plus sécurisée que la Présidence. Dès 6h 30 minutes des centaines de policiers et gendarmes cadraient le coin. Accès interdit aux passants suspects. « Chaque passant doit répondre à l’interrogatoire des agents de sécurité.» A l’intérieur du bâtiment tous les employés sont au poste même s’ils font semblant de travailler. Mais l’ambiance n’y était pas « Aujourd’hui, je ne voulais pas venir, mais les chefs nous ont menacé. La présence des forces de l’ordre nous rassure. Parce que les militants de l’opposition ont décidé de nous déloger. Ils disent que notre mandat a expiré. », rouspète un officier de l’Etat civil.
Dans le bureau de Dame Makhady Camara, prési de la délégation spéciale, c’est la queue entre gendarmes et employés. Elle continue de donner des instructions. « Il faut veillez à notre sécurité. Soyez vigilants. Ne permettez à aucun manifestant de pénétrer dans la cour. Qu’ils se limitent là-bas. Eux et leurs leaders n’ont qu’à venir nous déloger. Je représente le Président Alpha Condé…»
Dans cette cohue, débarque Soriba Sorel, gouverneur de la ville. Il est applaudi par les forces de l’ordre. Soriba Sorel Camara donne un million de francs guinéens aux forces de l’ordre pour leur déjeuner. « la somme est petite, mais acceptez ! Il faut assurer la sécurité de nos élus locaux. Pas de violence, mais aucun manifestant ne doit accéder aux locaux de la mairie. », insiste le gouverneur.
Dans tous les coins et grands axes du Kaloum, c’est l’ambiance. Des chansons aux éloges du Président Alpha Condé tympanisent les voisins, les passants. La marche a été vraiment pacifique.
Mariam Djédjuss Barry